— Excellence, j’ai deux nouvelles, une bonne et une mauvaise.
— Commencez par la bonne.
— Vous avez gagné les élections.
— Et la mauvaise ?
— Personne n’a voté pour vous.
Ce genre de blague pouvait valoir le goulag à l’époque soviétique. Les blagueurs formaient même une catégorie particulière de condamnés : les anekdotchiks. Aujourd’hui encore, en Russie, en Inde, en Iran, en Chine, à Hongkong, en Égypte, au Cameroun – si on listait tous les pays de manière exhaustive, cela donnerait l’envie immédiate de changer de planète ! –, tourner le pouvoir en dérision vous envoie en prison.
Charline Vanhoenacker est la marraine de notre numéro. La journaliste belge a d’abord mené une carrière au Soir et à la RTBF avant de devenir humoriste. « Je me suis rendu compte qu’avec la grammaire du rire on pouvait davantage approcher la vérité des choses. » De Washington à Kyiv, de Beyrouth à Pékin, de Gaza à Pyongyang, l’actualité internationale est à pleurer, mais il reste aux humains le talent de tourner le pouvoir en dérision. L’humour politique comme un « oxygène de la démocratie », dit-elle. Puissent les pages de ce numéro nous faire respirer.
AU SOMMAIRE
DEVINE QUI VIENT DÎNER ?
Politiquement incorrect ou délicieusement subversif ? Lee Shulman, artiste, réalisateur et collectionneur d’images d’anonymes au travers de The Anonymous Project, a proposé au portraitiste sénégalais Omar Victor Diop de se glisser dans ses diapositives américaines des années 1950 et 1960. Diop s’incruste dans des familles de la classe moyenne blanche et privilégiée où il n’a pas été invité, en pleine Amérique ségrégationniste d’après-guerre. L’écrivain Mohamed Mbougar Sarr, prix Goncourt 2021, et l’humoriste Roukiata Ouedraogo racontent avec ironie cette sensation de déjà-vu.
COMMENT SÉDUIRE LA DAME DE LA PRÉFECTURE
Vu de Bulgarie
« Pourquoi veux-tu devenir française ? », crie la mère de la romancière Elitza Gueorguieva à sa fille, du haut d’une montagne de Bulgarie. Rêve… ou cauchemar ? Celui que traverse tout candidat à la nationalité pris dans les filets de l’administration et ses drôles de questions. Récit d’un parcours bleu- blanc-rouge entre rire jaune et roman noir.
Avec des photographies de Lars Tunbjörk
FAUT-IL GARDER SA CULOTTE PENDANT UNE ATTAQUE AÉRIENNE ?
Vu d’Ukraine
Vivre sous les bombes russes incite à faire preuve d’un humour à toute épreuve. Vitalii Tchepynoga, blogueur ukrainien, raconte en riant le quotidien d’un conflit plus long qu’une mauvaise blague.
Avec les mèmes de Sasha Kurmaz, photographe ukrainien.
KIM QUI RIT
Vu de Corée du Nord
Les Kim aiment s’afficher hilares mais ils ont confisqué l’humour. Pour le dixième anniversaire de la mort de son père, Kim Jong-un a interdit à son peuple de rire pendant onze jours. L’écrivain belge Charly Delwart se met dans la peau du dictateur nord-coréen pour révéler l’envers des clichés de propagande.
« LES HISTOIRES JUIVRES ÉVITENT L’ÉCUEIL DE L’ENTRE-SOI »
L’humour juif existe-t-il encore ? Entretien avec le sociologue Michel Wieviorka.
SANS BLAGUE !
Chaque pays a ses Belges. En Syrie, les blagues populaires moquent les habitants de Homs, peut-être parce qu’ils sont à la fois joyeux et rebelles. Les Palestiniens rient de ceux d’Hébron, sans doute à cause de leur accent lent et chantant. Et partout, chuchotées ou criées haut et fort, les plaisanteries visent les tyrans et leur cruauté. Une double page d’histoires drôles.
LES OLIGARQUES ONT DISPARU
Episode #3 Oleg Deripaska, le roi de l’alu
Russiagate aux États-Unis, Yachtgate en Grande-Bretagne… Le patron de Rusal, l’un des plus grands producteurs d’aluminium au monde, traîne derrière lui pas mal de casseroles. Mais Oleg Deripaska a toujours su servir le Kremlin, et s’en servir, pour sauver sa peau et son business. Jusqu’à quand ? Une enquête de Christophe Boltanski, tirée d’une série documentaire de Paul Moreira.
« À 14 ANS, J’AI DÉCIDÉ QUE DIEU N’EXISTAIT PLUS. »
« Il est l’un des plus grands écrivains de notre temps. L’un de ses derniers conteurs. Un homme pour qui la littérature n’est pas un vain mot, mais une véritable arme pour comprendre, raconter, interroger la complexité du monde, des sentiments, des croyances, des mythes ou des rapports de pouvoir… » En juin dernier, Salman Rushdie acceptait de recevoir Christophe Ono-dit-Biot chez lui, à New York, pour enregistrer une longue conversation pour France Culture et Le Point. Il allait, quelques semaines plus tard, publier Le Couteau (Gallimard) qui relate l’attentat qui a failli lui coûter la vie en 2022 et qui a rappelé brutalement à la planète entière qu’au XXIe siècle, on peut mourir d’écrire.
Entretien avec un combattant de la littérature.
Avec des photographies de Sohrab Hura
ALLONS-Y !
Au pays des vampires et du paranormal
Il existe une Russie surnaturelle, un pays parallèle où l’on prédit l’avenir, jette des sorts, désenvoûte les possédés et soigne papy par ondes télévisées. L’écrivain franco-russe Iegor Gran nous invite dans ce monde de magiciens et sorciers autoproclamés, qui en dit long sur l’état de la société.
Perspectives
ET VOUS, COMMENT ÇA VA ?
Le journaliste russe en exil Filipp Dzyadko est allé à la rencontre de l’écrivaine bélarusse Stevlana Alexievitch et de l’historien polonais Adam Michnik, deux figures majeures de la dissidence de l’ère soviétique, qui n’ont jamais cessé d’informer sur le monde dans lequel ils vivaient, donnant voix et espoir à celles et ceux qui en sont si souvent privés.
Avec des photographies de Jędrzej Nowicki En août 2020 débutaient au Bélarus les plus grandes manifestations d’opposition au régime autocratique d’Alexandre Loukachenko. Avec son projet documentaire The Scars, le photographe polonais, fasciné par les différentes formes que revêt la quête de liberté individuelle et collective, veut montrer les traces profondes laissées par cette résistance de la rue et la brutale répression qui s’est ensuivie : « Il y a les cicatrices physiques – bleus, écorchures, fractures –, mais il y a aussi les cicatrices psychologiques, les traumatismes. Ce qui se passe actuellement au Bélarus laissera également de profondes cicatrices dans le tissu social, et le pays est déjà en train de se diviser en deux. »
KOMETA KULTE
Petite histoire d’un grand livre
C’est le récit d’une guerre, celle des États-Unis contre l’Irak, et de son quotidien tragique. C’est aussi une réflexion sur la violence des humains et du pays qui les broie puis les oublie. Dans Yellow Birds du vétéran Kevin Powers, l’écrivaine Brigitte Giraud retrouve une résonance intime avec l’histoire de son père, infirmier dans un hôpital militaire durant la guerre d’Algérie.
Air Bester
Embarquez sur le vol de la journaliste et productrice radio Eva Bester pour un voyage culturel ascensionnel. Dans ce numéro, les loufoqueries du poète russe dissident Daniil Harms.
À PROPOS DE KOMETA
Créée par d’anciens membres de la revue XXI, dont Léna Mauger, rédactrice en chef, Kometa est une revue bimestrielle indépendante, vendue sur abonnement et en librairie. Née du choc de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie, elle rassemble reportages, enquêtes, entretiens, photos et cartes pour explorer le monde partout où il bascule. Auteurs, journalistes et artistes français ou étrangers, en exil ou en résistance, travaillent ensemble pour chaque numéro de la revue.
Une trajectoire éditoriale unique qui inscrit ses contenus dans une réflexion du temps long à la croisée du journalisme politique et littéraire.
L’engagement des fondateurs repose également sur l’hybridité de leur modèle économique qui s’appuie sur deux leviers :
– Un modèle classique : la vente de la revue en librairie ou par abonnements, renforcée par des campagnes de dons numériques
– Des actions philanthropiques en vue de soutenir financièrement et d’accompagner des artistes/auteurs menacés et en exil
Ses cinq fondateurs et fondatrices sont basés entre Florence, Genève, Marseille et Paris.
Léna Mauger est journaliste, directrice de collection aux Éditions Stock. Elle a été rédactrice en chef de la revue XXI et de 6Mois. Elle est la rédactrice en chef de Kometa.
Perrine Daubas est spécialisée dans le développement des médias et des ONG. Elle a été directrice du développement et de la communication de Reporters sans frontières, directrice exécutive de la revue La Déferlante. Elle est directrice générale de Kometa.
Serge Michel est journaliste et rédacteur en chef du média suisse Heidi. news. Prix Albert Londres, il a créé le Bondy Blog et a été directeur adjoint du Monde. Il est le directeur de la publication de Kometa.
Paolo Woods est photographe et réalisateur. Fondateur du collectif Ri- verboom, directeur artistique du festival Cortona the Move, son travail est publié dans la presse internationale. Il est le directeur photo de Kometa.
Grégory Rozières est journaliste et pilote des projets d’innovation éditoriale au Temps. Il est directeur du développement numérique de Kometa.
KOMETA
N°5 – Rire pour résister
INFOS PRATIQUES
15 janvier 2025
Attachées de Presse
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Assistants Presse
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