TERTULIA DE TOKYO N°12

Maria Larrea, Christophe Ono-dit-Biot,
Blandine Rinkel
29.08.22

Le 29 août 2022, le Tokyo Art Club vivra sa Tertulia n°12.
Un surprenant plateau d’écrivains connus pour leur exigence littéraire et leur capacité à réfléchir sur le monde contemporain sera réuni pour une discussion à bâtons rompus autour de l’art et de l’exposition «Réclamer la terre».

Marie-Madeleine Rigopoulos modère la rencontre.

Qui ?
Maria Larrea
Christophe Ono-dit-Biot
Blandine Rinkel

 

Exposition : Réclamer la terre

Les relations des êtres humains à la nature sont au cœur des préoccupations intellectuelles contemporaines parmi les plus stimulantes, en ce qu’elles remettent en cause le socle idéologique qui a fondé nos manières de faire et de penser. De fait, c’est à une fusion d’enjeux essentiels que nous engage l’actualité écologique : politiques, économiques, scientifiques, moraux, sociétaux ; et bien sûr, esthétiques. Un alignement des affects, comme on parlerait d’un alignement des planètes, et dont la création artistique est redevable. En réponse, pas d’injonction à « retourner » vers des modèles anciens soi-disant vertueux, mais plutôt inventer d’autres types de relations à nos environnements, en s’appuyant sur des acquis de l’anthropologie, de l’éthologie et de l’écoféminisme. En bref, prendre appui sur un renversement des droits et des devoirs dans les sphères du vivant, une contestation de la domination humaine, une reconsidération des non-humains comme sujets et plus comme objets et globalement un système de relations mouvantes au sein d’écosystèmes, plutôt que des rapports de force. ÉDITO PAR GUILLAUME DÉSANGES, PRÉSIDENT DU PALAIS DE TOKYO Cette saison du Palais de Tokyo « Réclamer la terre », convoquant les relations entre le corps et la terre, la disparition de certaines espèces animales et végétales, la transmission de récits et savoirs minorisés, mais aussi les esprits de la nature, les énergies biologiques, l’agriculture, le jardinage et la vinification, résonne de toutes ces questions disparates qui selon un certain angle n’en forment qu’une. De l’art à l’artisanat en passant par des pratiques militantes, elle est donc en soi un écosystème de formes qui part d’une réflexion écologique, non comme une fin mais comme une manière de partager d’autres énergies, d’autres souffles qui animent des formes et des idées d’aujourd’hui

« Réclamer la terre1 » est une prise de conscience autant qu’un cri de ralliement. Cette exposition collective s’appuie sur un constat de sa conseillère scientifique, Ariel Salleh: «Rassembler écologie, féminisme, socialisme et politiques autochtones signifie renoncer à la vision eurocentrique pour adopter un regard véritablement global 2.». Désirant penser le mondeau-delà de la division entre nature et culture, l’exposition suit la trace d’artistes qui travaillent autrement les éléments (terre, eau, feu, air, végétaux, minéraux…), irréductibles à leur simplematérialité. Ils sont à la fois médium et outil, des vecteurs culturels, historiques et politiques revitalisés dans un contexte d’urgence écologique.

Quatorze artistes, de différentes générations et origines culturelles, examinent ainsi les liens entre le corps et la terre, notre relation primordiale au sol et à tout ce qu’il nourrit, la disparition de certaines espèces, la transmission de récits et savoirs autochtones, le glanage et la collecte, ou encore la justice sociale et la guérison collective. Ces artistes nous montrent que nous ne sommes pas «face au paysage», ni «sur terre» mais qu’au contraire nous faisons corps avec elle, créant cette «communauté du sol» dont parlait Rachel Carson, à l’origine du mouvement écologiste 3 . Nous devons remplacer les rapports de domination et de subordination, par ceux de parenté et d’alliances, car « la Terre n’est ni une réserve naturelle, ni une ressource agricole, c’est un écheveau de relations entre les minéraux, les plantes, les animaux et les humains » 4. Il est temps d’abandonner le modèle obsolète d’une société extractiviste et de remettre les humains à leur place ; non plus des individus séparés de leur environnement, mais des « entités relationnelles » 5. Les artistes de « Réclamer la terre » nous aident à penser et à ressentir une nature chargée, intensifiée et active. Iels fouillent la terre au sens propre comme figuré, transformant des racines souterraines en racines aériennes, (re)mettant en avant des récits oubliés, réduits au silence, ou même à inventer. Léuli Eshrāghi, conseiller·e scientifique de l’exposition, montre ainsi le besoin de réparation, soin et guérison des cultures autochtones discréditées par le colonialisme. S’éloignant d’une vision eurocentrique, les artistes développent de nouvelles connexions avec l’environnement. Leurs actions forment un assemblage de pratiques et d’échelles de relations : à la terre, aux ancêtres, à la vie humaine et non humaine, ainsi qu’à la culture visuelle. Il s’agit d’évoquer notamment les rapports autochtones au territoire, des cultures engagées, mais aussi des recherches sociales, culturelles ou spirituelles, témoignant de la résurgence décoloniale de savoirs : savoir-penser, savoir-faire mais surtout savoir-être au monde. (1) Titre inspiré par le premier recueil de textes écoféministes : Reclaim the Earth: Women Speak Out for Life on Earth, édité par Leonie Caldecott et Stephanie Leland (The Women’s Press, Londres, 1983) (2) Ariel Salleh, Ecofeminism as Politics: nature, Marx and the postmodern (Zed Books, Londres, 1997/2017), p. 153. (3) Rachel Carson, Printemps silencieux (Wildproject, Marseille, 2020), p.98 (publication originale Silent Spring, 1962). (4) Barbara Glowczewski, Réveiller les esprits de la terre (Dehors, Bellevaux, 2021), p. 266. (5) Arturo Escobar, Sentir-penser avec la terre. Une écologie au-delà de l’Occident (Seuil, Paris, 2018), p. 136. RÉCLAMER LA TERRE«
COMMISSAIRE : DARIA DE BEAUVAIS

ASSISTANTE CURATORIALE : LISA COLIN

CONSEILLER·ES SCIENTIFIQUES : LÉULI ESHRĀGHI, ARIEL SALLEH

TERTULIA DE TOKYO N°12

Maria Larrea,
Christophe Ono-dit-Biot
et Blandine Rinkel
avec Marie-Madeleine Rigopoulos

INFOS PRATIQUES

Lundi 29 aout à 19H30
au Tokyo Art Club

19H30 – Accueil au
Tokyo Art Club

Back to Top