Le monde est absurde et laid, et Tito Arnaudi n’est pas un de ces jeunes ambitieux assez niais pour vouloir le conquérir. Nous sommes en 1920, Paris est le lieu de perdition de la bohème cosmopolite, et Tito arrive tout juste d’Italie. Alors quoi faire de mieux, quand on a du temps à perdre et du talent à revendre, que d’inventer des faits divers sordides pour les monnayer auprès de la presse à scandale ? Une brillante carrière de journaliste semble promise au jeune dandy, mais il ne tarde pas à s’initier à deux poisons au charme bien plus puissant : l’amour et la cocaïne. L’extase qu’ils lui procurent est une révélation, et lui fait fait entrevoir une échappatoire au vide de l’existence. Commence alors une odyssée décadente à sa poursuite, avec pour seules issues le salut — ou la mort.

Publié pour la première fois en 1921, le roman de Pitigrilli est un chef-d’œuvre d’humour caustique et de cynisme grinçant, un exercice de style éblouissant. Son évocation de l’amour libre et des paradis artificiels lui valurent d’être mis à l’index par l’Église, et fascinèrent le cinéaste Rainer Werner Fassbinder qui en tira le scénario d’un film qu’il ne parvint jamais à réaliser. Longtemps tabou, ce classique maudit de la littérature italienne, republié pour la première fois en français, prouve qu’il n’a rien perdu de son charme corrosif.

Dino Segre, alias Pitigrilli (1893-1975), est l’un des plus célèbres mauvais génies des lettres italiennes. Journaliste, correspondant à Paris dans les années 1920, il en tira la matière de ses premières œuvres. Entouré d’un parfum de scandale, traduit en seize langues, il se compromit avec le pouvoir mussolinien en espionnant pour le compte de sa police politique, avant d’être rattrapé par les lois antisémites du régime. Depuis les années 1990, son œuvre connaît un début de réhabilitation, notamment sous l’impulsion d’Umberto Eco.

La postface d’Eco est traduite de l’italien par Gérard Besnier.